La reconnaissance de dette, comment la réaliser correctement ?

La reconnaissance de dette est probablement un des actes les plus réalisés dans le monde économique. Un Bic, deux personnes, un carton de bière ou un coin de table et le tour est joué. Malheureusement, la réalité n’est pas toujours aussi aisée, car dans le cas contraire, juristes et avocats se retrouveraient tous au chômage. La reconnaissance de dette nécessite un certain formalisme afin de valoir preuve contre son débiteur.

Petit tour d’horizon des informations importantes sur la reconnaissance de dette...

1. Le contenu de la reconnaissance de dette

La reconnaissance de dette est avant tout un acte juridique unilatéral. C’est la manifestation de volonté émanant d’une seule personne en vue de produire des effets juridiques de nature patrimoniale.

L’acte juridique unilatéral se distingue du contrat qui suppose, lui, un accord de volonté.

La reconnaissance de dette peut être définie comme un engagement par volonté unilatérale, par lequel une personne (le débiteur) reconnaît devoir une somme d’argent à une autre personne (le créancier). Elle peut être due, à titre d’un prêt d’argent, ou issue de n’importe quel rapport juridique entre créancier et débiteur.

La théorie est donc assez simple : A doit une somme d’argent à B, et la reconnaissance de dette est un acte manifestant ce droit au remboursement de B.

2. Le formalisme de preuve

Afin que votre reconnaissance consiste en une preuve certaine et admissible en justice, certaines conditions doivent être remplies.

Le législateur ne faisant jamais les choses de manière claire et facile, il a modifié par une loi du 23 avril 2019 le Code civil et les règles de preuve. Il faut donc distinguer la situation avant l’entrée en vigueur cette loi et après l’entrée en vigueur de cette loi.

a) Avant la loi : l’ancien Code civil

Avant la loi de 2019, la reconnaissance de dette était régie par l’article 1326 du Code civil.

Celui-ci énonce (d’une façon peu claire, il faut l’admettre) :

« Le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule partie s’engage envers l’autre à lui payer une somme d’argent ou une chose appréciable, doit être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit ; ou du moins il faut qu’outre sa signature, il ait écrit de sa main un « bon » ou un « approuvé », portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose ; excepté dans le cas où l’acte émane de marchands, artisans, laboureurs, vignerons, gens de journée et de services ».

Deux possibilités donc pour respecter le formalisme de preuve :

  • Soit l’acte est écrit entièrement à la main par le débiteur + signé
  • Soit l’acte est dactylographié, et contient, écrit à la main par le débiteur bon pour/approuvé pour + la somme en toutes lettres + signature.

Une exception était prévue pour les marchands, artisans, laboureurs, vignerons, gens de journée et de services. L’article datant de 1804, ces catégories de personnes étaient considérés comme illettrées et on autorisait une exception à leur égard.

Non mentionné dans l’article, il convient également d’indiquer la date de la reconnaissance, afin de lui donner une date relativement certaine.

Si l’une des deux possibilités est respectée, la reconnaissance vaut preuve devant un tribunal.

Si en revanche, les conditions de l’article 1326 ne sont pas respectées, la reconnaissance de dette est nulle en la forme, de nullité relative. Cela signifie qu’elle ne vaut pas comme preuve (= nulle), et que seul le débiteur peut se prévaloir de cette nullité (= nullité relative).

Cela ne signifie cependant en rien que le contenu de la reconnaissance est nulle. Il n’est pas contesté que A doive de l’argent à B. Simplement, sur le plan de la forme et de la preuve, aucun document probant ne l’atteste.

Dans ce cas, les cours et tribunaux reconnaissent néanmoins que cette reconnaissance non valide peut valoir comme commencement de preuve par écrit. Cela signifie donc qu’il peut s’agir d’un début de preuve, à corroborer par d’autres éléments (preuve de la transaction, courriers-mails, aveu, témoignages etc.).

Pour pouvoir valoir commencement de preuve par écrit, il faut respecter l’article 1347 de l’ancien code civil, à savoir :

  • Il faut un écrit
  • Qui émane de celui contre lequel la demande est formée ou de son représentant
  • Et qui rend vraisemblable le fait allégué

Ce commencement peut être complété par d’autres moyens de preuves afin d’obtenir gain de cause devant les tribunaux.

b) Après la loi : le nouveau livre 8 du Code civil

Depuis la loi de 2019, entrée en vigueur le 1er novembre 2020, tous les contrats conclus et actes posés à partir de cette date sont sous le régime de preuve du nouveau Code civil.

Quant à la reconnaissance de dette, le nouvel article 8.21 indique :

«  Art. 8.21. Engagement unilatéral de payer
  Quelle que soit la valeur de l’acte juridique et sans préjudice des exceptions prévues par la loi, l’engagement unilatéral de payer une somme d’argent ou de livrer une certaine quantité de choses fongibles ne fait preuve que si elle comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres. Est nulle toute convention dérogeant à cette règle. »

On peut observer que de 2 possibilités, nous sommes passés à une seule : il faut en toutes circonstances la mention de la somme en toutes lettres, écrite de la main du débiteur ainsi que sa signature.

Le maintien de cette modalité a pour but de protéger le débiteur et à le faire réfléchir sur l’engagement qu’il prend.

On observe également que l’exception de l’article 1326 relative aux personnes présumées illettrées à l’époque a disparu : ainsi, le formalisme de preuve s’applique à tout un chacun.

En revanche, autant les cours et tribunaux étaient unanimes quant au commencement de preuve par écrit sous l’ancien droit, autant sous le nouveau, rien n’est moins sûr. On peut se fonder sur les travaux préparatoires de la loi qui indiquent que le document matérialisant l’engagement qui ne respecterait pas les formalités de preuve peut valoir commencement de preuve par écrit concernant les contrats sous signature privée, mais rien n’est indiqué pour les reconnaissances de dettes unilatérales.

Il faut donc attendre que les cours et tribunaux se prononcent quant à la possibilité que l’acte nul serve de commencement de preuve par écrit. Il ne faudrait donc que trop conseiller de respecter au maximum les prescrits légaux en matière de preuve, tant que les juges ne se seront pas prononcés sur la question.

En définitive, que retenir ?

Si votre reconnaissance de dettes date d’avant la loi de 2019 : vérifier le respect des deux possibilités de preuve, et garder au maximum tous les éléments pouvant étayer votre prétention.

Si votre reconnaissance de dettes date d’après la loi de 2019 : respecter autant que faire se peut le prescrit de l’article 8.21 et les mentions requises afin d’avoir une reconnaissance valant preuve devant les tribunaux.

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